FILIATION
L’animal est au centre de ma discipline et de ma pratique. La sculpture me permet de capter durablement des instants fugaces et magiques lors de mes rencontres, vécues ou rêvées, avec la faune.
Je modèle des êtres sauvages saisis dans un moment singulier. J’exprime plastiquement, en mêlant argile et fil de coton, la dualité entre force et fragilité animale en regard de sa condition sur terre.
Enfant, modeler a toujours été instinctif, primitif, sensuel. C’était apaisant d’être dans la construction. Etudier la sculpture fut plus tard une forme de recours face à une épreuve familiale. Créer en volumes, c’est occuper l’espace, combler un vide.
Mon travail s’organise en deux temps. La première partie est faite d’esquisses, de maquettes, de modelage, de soudure, de ponçage, de moulage, de cuisson, de patine. Pour la deuxième étape, je réorganise mon atelier : la couture sur sculpture demande un environnement propre et sans poussière. Tout en cherchant une représentation singulière d’un animal, je reprends un geste ancestral, souvent féminin, le travail du fil, faisant courir lignes, graphismes et couleurs à la surface de mes sculptures.
Coudre, c’est revenir à un savoir-faire que ma mère tentait de me transmettre et pour lequel je n’avais, petite, aucune affinité, ni habilité. C’est aussi pour cela que je me suis tourné vers le modelage. Le fil de coton, s’est peu à peu intégré à mes sculptures de manière instinctive. J’y vois comme un retour aux origines et une grande affinité avec l’Art Textile.
Mon bestiaire s’étoffe d’année en année, pourtant l’inquiétude est également grandissante. Quand j’ai commencé à modeler, je n’envisageais pas que certaines de mes sculptures puissent un jour matérialiser dans un futur proche des animaux rarissimes, voire disparus de leur milieu naturel.
Je vois mon travail de sculpteur comme un cheminement vers la maturité, au delà de la représentation animale, il y est question de filiation, ce dont nous héritons et de ce que nous léguons.
Anne Moreau-vagnon